L’association Foodwatch annonce qu’elle déposera plainte, mercredi 21 février, au tribunal judiciaire de Paris, dans l’affaire des eaux minérales non conformes. A la fin de janvier, une enquête conjointe de la cellule investigation de Radio France et du Monde avait révélé que les groupes Nestlé Waters (Perrier, Contrex, Hépar, Vittel, entre autres) et Alma (Chateldon, Vichy-Célestins, St-Yorre, etc.) avaient eu recours à des traitements non conformes (filtres à UV, charbon actif, microfiltration), autorisés pour traiter l’eau du robinet mais interdits sur les eaux de source et les eaux minérales. Celles-ci sont en effet supposées provenir de nappes souterraines préservées de toute contamination, chimique comme bactérienne.
Selon de nombreux documents confidentiels consultés par Radio France et Le Monde, issus de différentes administrations – dont un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), remis en juillet 2022 au gouvernement –, des contaminations chroniques ou sporadiques de bactéries ou de pesticides ont conduit, de nombreuses années durant, certaines usines d’embouteillage à mettre en place ces traitements de manière systématique. Dans son rapport, jamais rendu public, l’IGAS estime qu’au moins 30 % des marques d’eaux produites en France auraient subi des techniques de purification non conformes.
Informé dès l’été 2021, le gouvernement a maintenu l’information confidentielle : aucune publicité n’a été donnée à ces entorses à la réglementation, ni auprès des consommateurs ni auprès de la Commission européenne et des Etats membres ; pourtant, il est contraint par la directive européenne 2009/54/CE.
« Complaisance de la France »
Selon Foodwatch, qui traque les pratiques néfastes de l’industrie agroalimentaire, ces faits sont constitutifs de neuf infractions à la directive européenne sur les eaux minérales, au code de la consommation et au code de la santé publique. « Nestlé Waters et Sources Alma ont fait croire à leurs consommateurs qu’elles leur vendaient de l’eau minérale naturelle, conformément à ce que cela implique en termes de bienfaits pour la santé et de qualités nutritionnelles, tandis qu’elles leur vendaient, en fait, de l’eau anciennement contaminée qui avait été traitée de façon illégale, selon François Lafforgue, l’avocat de Foodwatch. Ces techniques ont nécessairement eu un impact sur les constituants essentiels de l’eau, dès lors qu’elles ont eu pour effet de la purifier afin de la rendre potable. »
La plainte, que Le Monde a pu consulter, liste en particulier la « tromperie quant aux qualités substantielles d’une marchandise », la « falsification de boissons destinées à être vendues », l’« absence de mention des traitements sur les étiquettes » des bouteilles commercialisées, la « non-conformité portant sur une qualité substantielle d’un produit », l’« absence d’information de la Commission européenne et des Etats membres par le gouvernement ». Non seulement les sociétés Nestlé Waters et Alma sont visées, mais aussi le gouvernement, pour sa gestion de l’affaire.
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